La poussière, fléau du bord

La poussière, on ne l'aime pas mais elle nous aime et nous poursuit à bord même au mouillage dans des coins perdus, loin de toute trace d'activité humaine, sauf la notre. C'est donc notre environnement immédiat et notre présence qui la génère. Indépendamment du fait qu'elle salit notre environnement, présente-t-elle des risques pour la santé ? Comment lutter contre ce fléau qui semble revenir plus vite qu'on n'arrive à l'éliminer? Mais avant tout : qu'est ce que c'est ?

La poussière intérieure, ce sont...

...des éléments inertes, issus des textiles, papiers, revêtements...et d'éléments biologiques comme des débris humains et alimentaires et des organismes vivants.

Sa composition varie d'un intérieur à l'autre cependant on retrouve toujours ces éléments de base.
En suspension dans l'air ou déposée sur les surfaces ou encore agglomérée en « moutons » dans les coins et les fonds, c'est l'invitée permanente des intérieurs, terrestres et de bateau à la différence qu'en bateau, l'espace étant réduit , la poussière semble être plus concentrée.

... des fibres de textiles

Les textiles du bord sont de grands émetteurs de fibres végétales (coton), animales (laine) ou chimiques (polyesters et autre synthétiques) : s'assoir sur les banquettes, faire le lit, enfiler ou enlever ses vêtements projette dans l'air des milliers de particules de tailles variées qui après un court instant de bonheur en apesanteur, retombent et se déposent partout : sur les textiles eux-mêmes, les surfaces, les interstices entre les panneaux du sol et terminent leur voyage dans les fonds.
Notre environnement est impitoyable pour les tissus : ils s'usent lors d'une utilisation répétée, d'un entretien régulier, de l'exposition à la lumière (UV) et à la sécheresse (<20%), et en présence de moisissures qui en cassent les fibres. Les tissus résistant le moins bien sont les cotons, champions de l'émission de fibres quelque soit leur âge, suivi par les mélanges coton/polyester. Les tissus synthétiques sont ceux qui tiennent le mieux.

... Des particules de papier, literie, mousses et vaigrage

Le papier part aussi en poussière lorsque les conditions de température et d'humidité varient. Et il se trouve que nos logements flottants ne sont pas du tout à la pointe de la technologie en matière d'isolation thermique, les grandes variations de température jour/nuit, hiver/été sont notre lot et celui des papiers à bord.

La literie (matelas, oreillers, couettes, couvertures) rejoint le problème général posé par les textiles. Et pour les amoureux du confort inimitable des couettes et oreillers en plumes, vous allez aussi aimer les plumettes qui fuient par les coutures !

Continuons avec les mousses du carré et des couchettes, passé un certain âge - ou un âge certain, elles tendent à partir en poussière, de même que le vaigrage, ce revêtement que les constructeurs de certains bateaux aiment tant, malgré les problèmes à long terme que pose systématiquement le vaigrage doublé de mousse. Avec les années, la mousse se désagrège, le vaigrage se décolle fatalement et la poussière de mousse vieille de plusieurs (dizaines) d'années s'échappe au moindre courant d'air ou sous la pression.
Terminons ce tour des particules inertes de la poussière par un soupçon de cendre de tabac chez les fumeurs.

... Des résidus de l’activité humaine

Poussière pour les uns,  oasis de vie pour d’autres, les résidus de l'activité humaine posent un double problème: ils salissent, et ils favorisent la vie et le développement de nuisibles.

Existe-t-il une colle qui empêcherait les poils et les cheveux de tomber ? Ce ne sont que des éléments bien visibles de notre contribution à la poussière. Moins visibles, les squames qui se détachent de notre peau en perpétuel renouvellement. Ces fragments microscopiques de peau morte s'éliminent en surface alors que la peau "neuve" se construit en profondeur. Rien à voir avec les pellicules, les squames sont invisibles. Ils sont particulièrement abondants dans les linges sur lesquels frotte la peau : vêtements, serviettes, literie. Et c’est ici qu’entrent en scène les acariens, compagnons microscopiques  de nos nuits pour qui nos lits sont des biotopes de rêve: ressources alimentaires abondantes (les squames), chaleur et humidité.

Respirer, tousser, éternuer, parler... contribue à enrichir l'air en particules vivantes: les bactéries des voies respiratoires et de la bouche sont transportées par les minuscules gouttelettes de liquide que nous projetons dans l'air lors de ces activités. Heureusement, une bonne partie ne supporte pas la sécheresse de l'air et meure, mais il reste les formes de résistance comme les spores qui font partie intégrante de la poussière et se déposent sur les surfaces. Dans le même ordre d'idée, on trouve également des spores de champignons microscopiques et les œufs  de certains parasites, passagers clandestins des objets que nous ramenons à bord (chaussures, sacs, aliments...).

S'y rajoutent nos débris alimentaires, les plus sournois étant les miettes de pain ou biscuit, très facilement  réduits en poudre, et la farine. Elles s'infiltrent partout, glissent dans les fentes de panneaux fermant les fonds et même dans le clavier de l'ordinateur pour la farine. En plus d'attirer les nuisibles, ces débris retiennent l'humidité. 

Quels effets sur la santé des personnes et du bateau?

A moins de souffrir d'allergies, cette poussière intérieure ne semble pas poser trop de problèmes de santé bien que respirer de l'air très empoussiéré puisse parfois causer une gêne respiratoire et une irritation des voies respiratoires chez les non-allergiques (on ne parle pas ici des poussière produites lors de travaux de ponçage de vernis, peinture, bois ou fibres qui ont une toxicité certaines pour la peau et les voies respiratoires).
Et c'est plus dans un souci d'hygiène générale et pour conserver le degré de séduction de notre intérieur flottant qu'on fait la chasse à la poussière,

Les allergies à la poussière quant à elles sont déclenchées après une phase de sensibilisation à une substance banale qui normalement n'a aucun effet sur l'homme: il s'agit des acariens ou encore des spores de champignons microscopiques ( = moisissures). Le système immunitaire réagit de façon inadéquate et exagérée, en libérant massivement de l'histamine, molécule de l'inflammation qui déclenche les symptômes du « rhume des foin »: les yeux piquent, le nez coule, les éternuements à répétition ou une crise d'asthme. Sans en arriver jusque là, sortir de son lit le matin avec les yeux qui piquent et le nez irrité signe une sensibilité aux acariens.

En fait, on retrouve les mêmes problèmes, s'il doit y en avoir, sur la santé qu'en vivant à terre, à ceci près que le volume intérieur d'un bateau est nettement plus réduit que celui d'un logement à terre pour des sources de poussière quasiment identiques ; la poussière est concentrée, celle qui se dépose est plus facilement remise en suspension dans l'air ou au contraire plus difficile à éliminer (fonds, coffres sous les couchettes).

Une attention particulière est à porter aux débris qui piègent l'humidité, ils favorisent le développement des moisissures (moisi) dans les creux des boiseries, les supports poreux (vaigrage), les coins dans les fonds... et forment des "poches" d'humidité pas toujours compatibles avec certains matériaux du bord : l'humidité fait cloquer les peintures, rouille l'acier, favorise l'électrolyse de l'aluminium.

La poussière est inévitable mais on peut limiter son émission, et l'éliminer très régulièrement.

Stratégies anti-émission

Reprenons point par point les sources de poussières:
Pour les textiles, choisir des tissus de revêtement en polyester pour les coussins du carré, plutôt qu'en coton, limite fortement l'émission de fibres à chaque fois qu'on s'assied. Avantages supplémentaires, ils sont plus faciles à entretenir et résistent mieux aux frottements. Ils retiennent aussi moins la poussière. Une autre solution est de choisir un autre revêtement que le tissu.
Par contre, pour le linge en contact avec les corps, on privilégie le coton, plus sain pour la peau, ou les mélanges polyester/coton. Il existe des serviettes de toilette 100% fibres synthétiques, je n'ai pas testé leur l'efficacité pour sécher la peau.

Les matelas et divers coussins en mousse sont idéalement recouverts d'un premier tissu épais qui retient et protège la mousse, et empêche la poussière de trop pénétrer à l'intérieur. Un protège matelas, imperméable ou non, peut être ajouté sous le drap. Les coussins du carré peuvent être déhoussables. Si ce n'est pas le cas, il vaut mieux les protéger avec des housses ou un plaid en mélange coton/synthétique ou synthétique.

Oreillers et couettes: en synthétique ou en plumes? A chacun son style pour faire de beaux rêves ! Cependant, la literie en plume libère très souvent des duvets et est déconseillée pour les personnes allergiques à la poussière.

Privilégier les rangements fermés.

Si l'on doit utiliser du vaigrage, choisir alors un vaigrage doublé de feutrine plutôt que de mousse et remplacer ce dernier lorsqu'il montre des signes d'usure par un autre revêtement. C'est l'option que nous avons choisie: après avoir patiemment arraché les vaigrages dans un nuage de mousse pulvérisée par les années, nous avons fait un revêtement en contreplaqué fin (pour ne pas rajouter trop de poids) vernis de plusieurs couches: ambiance chalet garantie !

Le lavage corporel régulier évacue dans l'eau de lavage une bonne partie des squames et des poils qui ne demandent qu'à quitter leur propriétaire plutôt que de les disperser autour de soi, quant aux cheveux (on en perd une bonne cinquantaine par jour), lavage et brossage réguliers permettent de les concentrer sur la brosse plutôt que dans les fonds. Une autre solution consiste à se raser de la tête aux pieds...

Utiliser la farine, oui avec joie, en faire un nuage en préparant son pain ou sa pâte a pizza, on évite! Travailler la farine dans un endroit facile à nettoyer, idem pour couper le pain ou grignoter ses biscuits: sur un plan de travail peu ou pas encombré pour en faciliter le nettoyage, au dessus de l'évier ou encore dehors.

Et enfin, aérer diminue l'humidité intérieure et limite la prolifération des organismes.

Mission: élimination

Le but du jeu est d'éliminer la poussière sans trop la remettre en suspension dans l'air sinon elle revient nous narguer en se redéposant partout: dans cet objectif, le nettoyage à sec à éviter. C’est un peu sportif à bord, parce que pour emmener les coussins, matelas, couettes, plaids etc... dehors,  on doit les brasser à pleines mains (et vole la poussière !) , parce que les recoins sont innombrables, qu'on a très peu de place pour déplacer les affaires et que les fonds sont parfois profonds et sombres. La chasse à la poussière prend des allures inhabituelles: les pieds en l'air, la tête en bas, le chiffon dans une main, le pinceau dans l’autre, la lampe de poche coincée entre les  dents: « Poussiérator »  est prêt.

On commence par sortir et secouer dehors tout ce qui peut l'être: draps, coussins, oreillers, couvertures ou couettes, vêtement, housses de coussins…, battre les coussins et les tapis, les laisser un peu au soleil (le soleil détruit les acariens), aérer régulièrement les matelas, oreillers et couvertures pour en évacuer l'humidité.

Puis, armé de lingette, ou d'un chiffon humide ou imprégné de produit nettoyant (si on utilise un produit sous pression, éviter de le pulvériser directement sur les surfaces très empoussiérée, le "souffle" de l'éjection fait voler la poussière ), passer sur toutes les surfaces, les plans inclinés en veillant particulièrement à la descente, les tranches des livres, les objets. A faire une à deux fois par semaine.

Pour atteindre les recoins, enlever tout ce qui encombre et dégager la poussière avec un pinceau, sans oublier les fonds des étagères, des tiroirs, les divers fils électriques - les plus amusants sont ceux qui sont enroulés sur eux même : le top des nids à poussière et une patience de moine zen pour les nettoyer.

On continue vers le bas en ramassant la poussière au sol, de préférence avec un aspirateur portable plutôt qu’une balayette qui remet la poussière en suspension. Il existe des aspirateurs rechargeables, en 220V ; ou de voiture, en 12V. Ces derniers sont plus compatibles avec l’énergie disponible à bord au mouillage; certains aspirateurs ont une soufflerie bizarrement plus apte à faire voler la poussière à l’approche de l’aspirateur qu’à l’aspirer.

Le ménage des fonds se fait selon le même principe : sortir un à un les objets, les dépoussiérer avec un chiffon humide ou les passer sous l'eau, dépoussiérer au chiffon humide les surfaces et au pinceau  les recoins, les divers fils électriques et tuyaux, rassembler la poussière dans un endroit accessible à  l'aspirateur et aspirer.

Ranger ou rassembler à un même endroit les affaires en cours d’utilisation: les vêtements "entre deux utilisations, ni vraiment propres, ni vraiment sales", les petits objets-indispensables-à-conserver-à-portée-de-mains (vis, tournevis, diluant, bouchons, scotch d'électricien...), nettoyer très régulièrement avec un chiffon humide ou sous l'eau  les boîtes à petits-objets-indispensable-etc.

Laver régulièrement tous les textiles (linge de lit, de toilette, vêtements, housses de coussins…), ainsi que les housses de matelas et de coussins.

La chasse à la poussière à bord n'est pas très différente de celle menée à terre. A bord et au mouillage, nous avons la grande chance de n'avoir que cette poussière inhérente au logement et aux personnes et d'échapper à la « crasse » noire et collante de certaines pollutions urbaines, aux particules libérées par certaines industries de transformation de minerai. Et sans exagérer, faire le ménage à bord est un excellent exercice d'assouplissement lorsqu'il s'agit de se faufiler dans les recoins difficilement accessibles lorsque l'envie -ou plutôt le besoin – d'un grand ménage s'impose.
Eliminer la poussière régulièrement permet de maintenir le bateau en bon état, d'éviter de sortir des fonds des boîtes "velues" de poussière, de conserver un niveau convenable d'hygiène générale, sans oublier le plaisir des narines et des yeux !

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Commentaires

  • GUY GOEPFERT
    Les poussières sont en effet présent dans l'air et la plupart des matériaux. Alors pourquoi ne pas utiliser des revêtements antistatiques?

    Des enduits textiles de classification A+ pour les COV, Des vaigrages isolant thermique et phonique, régulateur d'humidité n'accrochant aucune poussière durant des décennies.

    Des produits utilisée dans les construction saines et écologique en Allemagne depuis plus de 40 ans.
  • Véronique
    • 2. Véronique Le 22/12/2014
    J'adore ta dernière photo de fleurs oranges de Nouvelle-Zélande, sans poussière mais la tête en bas, elles aussi ! Désormais, je vais m'estimer très heureuse de pouvoir faire le ménage la tête en haut. Kiss.

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